Il y a certains trucs que tous les pratiquants de CrossFit® redoutent : le 5 kilomètres run, un combo Assault Bike/box jumps (ou Assault Bike/Assault Bike), un WOD avec 40 MU rings, voire un WOD avec 40 MU rings et des wallballs…Bref, comme diraient les grands-britons : « You name it ». A chacun son poison, quoi. Mais si nous sommes tous très différents concernant nos némesis, les mouvements qu’on redoute et/ou qu’on déteste, ce qui nous fait franchement avoir des gouttes de sueur froide qui coulent dans la culotte respirante, c’est bien la perspective d’une blessure.
OK, le CrossFit® est adaptable à tous, à toutes les conditions physiques, et tout et tout. Ca, on le sait tous. Sauf qu’on sait tous – aussi – que la blessure est synonyme de se farcir certains mouvements, encore et encore, simplement parce qu’on ne peut pas faire autre chose. Bref, c’est un peu comme un semi-marathon : on sait que ça existe mais on ne préfère pas y penser.
Sauf que le 5 août dernier, bim bam boum : cheville en vrac. OK, j’avais déjà expérimenté les mini-entorses, causées par des pieds à l’hypoténuse discutable. Un pavé de traviole et hop, je testais la flexibilité relative de mes articulations. Mais là…là, clairement, c’était autre chose (même si, relativisons, il y a des blessures bien plus moches qu’une simple entorse…)
Comme il faisait relativement chaud (du moins, pour les standards normands – donc au-dessus de 17°C), je suis allée woder en short. Sauf que, le wod reprenait le tout premier event des Games, avec des rope climbs et des snatchs.

Sachant que, lors de ma rencontre précédente avec des rope climbs – et en short – ma cuisse avait fini dans le même état de cuisson purulente que la tronche d’Anakin Skywalker sur Mustafar – aucun rapport avec le Roi Lion – j’ai donc décidé de changer de technique pour faire ma descente de rope climb et éviter le contact intempestif entre mon gigot et la corde. Je troque la version « j’enroule la corde autour de la guibole » contre « je coince la corde entre mes deux pieds et je descends en semi grand-écart, telle Pink de son trapèze ».

Ca se passe si bien que je prends une confiance qui n’est obtenue habituellement que sous drogue de synthèse. Et là, vlan, tel Sam le Pompier, je descends à une vitesse vaguement fulgurante, et ma cheville atterri sur un morceau de la corde pour se tordre dans un craquement proprement dégueulasse. On dirait Colette qui dézingue les jointures d’un vieux poulet.
Là, ça pue. Métaphoriquement, car je contrôle encore mes fonctions vitales. Mais je me retrouve stoppée net, au pied de la corde. Aussi, je passe la bombe de froid que je trimballe toujours dans mon sac à la Mary Poppins. Ma cheville tire, mais c’est tout. Je finis le WOD en passant du squat snatch au muscle et en adaptant mes montées de corde et le run. Une fois le WOD terminé, la douleur commence à se réveiller mais il n’y a pas d’hématome ni de gonflement. N’empêche que je contacte aussitôt mon kiné, histoire de faire un point. Bah oui, il faut faire vite parce que, l’après-midi-même je dois partir pour quelques jours de vacances. Bref, c’est un peu ce qui s’appelle avoir un karma de merde.

Donc deux heures plus tard, le kiné m’osculte et joue de l’ultrason (avec une machine spéciale – je n’ai pas trouvé de kiné mi-homme mi-dauphin). Je finis donc la cheville dans une attelle. Pour voir le médecin, pas moyen d’obtenir un rendez-vous avant une dizaine de jours (naïve que je suis ! L’histoire nous prouvera que sur ce coup-là, c’était sans compter sur la léthargie générale aoûtienne. Et au milieu de mes débardeurs Born Primitive, j’embarque donc des anti-inflammatoires et du film étirable, histoire de faire des papilottes de poulet pour Mission Top Chef me faire des emplâtres au moins deux fois par jour.

Le soir, en arrivant sur mon lieu de vacances, « heureuse » surprise, ma cheville a doublé de volume, pire que la bouche de Melania Trump en l’espace de 10 ans. Seul l’appel de la galette (la bretonne, pas celle que tu expérimentes parfois en fin de soirée), me motive à boitiller sur 800 mètres. Cerise sur le Voltarène, nous avions prévu de faire un drop-in lors de notre séjour ! En voilà une bonne idée. J’en profite donc pour tester la flexibilité de mes Metcon 5 – et la créativité de mon coach d’un jour – en wodant avec mon attelle.
Les premiers jours, clairement, j’ai très mal. Je descends tout ce qui s’apparente à un escalier à la vitesse phénoménale de 8 mm par heure et l’attelle est plus inconfortable qu’un soutif à bretelles transparentes.

Je reviens à la box dès mon retour de vacances. Bien entendu, il est absolument hors de question d’envisager le moindre saut ou mouvement ne maintenant pas ma cheville dans l’axe. Aussi, mes coachs adaptent les WODs à base de ski-erg, un peu d’assault bike, pas mal de bike-erg, des tractions (souvent strictes), des sit-ups, … Et on adopte une philosophie : « tu te tentes, si ça fait mal, on trouve un autre mouvement ». Rapidement, je m’aperçois que les air squats sont une tannée, que je dois oublier les lunges, les mountain climbers, les burpees, le sled push….et que l’haltéro est très très limitée : pas question de tester les mouvements nécessitant déplacement de pieds ou squats. Aussi, la plupart du temps, je réduis drastiquement mes charges (en fait, je bosse le plus souvent barre à vide) et j’opte pour du muscle snatch ou clean. Bien sûr, les squats, c’est no bueno (j’en chie des ronds de chapeaux sur les air squats, alors pourquoi s’aventurer avec une barre???)

Tous les matins, je wode comme si de rien n’était. Avec une attelle, mais comme si de rien n’était. Enfin, c’est ce que je me dis. Parce que, finalement, je ne WODe pas vraiment avec les copains. On partage le même cours, mais pas forcément les mouvements…et finalement l’intensité n’est la même. Ca m’énerve. Je suis frustrée. J’ai envie d’abandonner.
Je profite donc du 15 août pour faire une pause, pendant quelques jours. C’est pire que tout. Ma cheville tire plus que jamais. Je passe mon temps le pied sur un coussin, avec une poche de glace. J’ai aussi troqué les pommades contre des emplâtres d’argile verte avec quelques gouttes d’huile essentielle de gaulthérie (merci Juliette pour la recette).

Je suis irritable, je mange mal, je dors mal et je suis constamment au bord de l’hystérie. Bref, ma vie s’est transformée en un épisode des Marseillais : je hurle sur les gens tout en leur crachant des miettes de chips au visage et j’abuse de ma palette bronzer/highlighter (faut bien s’occuper, non?)
Ce n’est que trois semaines après l’entorse que j’arrive à obtenir un rendez-vous chez le médecin. Une entorse typique des basketteurs, affirme-t-il. Sachant que je fais 1m57, je ne sais pas si c’est de l’ironie ou un sens de la répartie discutable. Je ressors donc avec une ordonnance pour 6 séances de kiné et l’interdiction de WODer pendant encore près de deux semaines. Comme mon éducation catholique m’a enseigné de ne pas mentir, je lui explique que, quoi qu’il en soit, je n’ai jamais arrêté le CrossFit®. Il se résigne, me dit de totaliser 3 semaines d’attelle et de ne surtout pas courir (le truc que je ne fais déjà pas de mon plein gré quand mes deux chevilles se portent bien!).

La première séance de kiné est difficile : il passe près de 30 minutes à la mobiliser dans tous les sens, ou presque (ça reste une séance de kiné, pas un exorcisme). Les 6 séances sont éclatées plus rapidement qu’un paquet de mousses au chocolat Michel & Augustin, à raison d’environ 2 séances par semaine. Petit à petit, ma cheville gagne en mobilité et je fais des exercices plus difficiles pour la renforcer (coucou le trampoline !)
Je profite également de la présence d’une praticienne en massages fonctionnels à la box pour soulager mon dos qui trinque à force de compenser les défaillances de ma cheville.
Et après 3 semaines d’attelle, les premiers WODs sont assez étranges. J’ai constamment peur de me refaire mal, de faire un faux mouvement, … Donc je prends pas mal de temps et de précautions, notamment sur les transitions. Et toujours en guise de philosophie : on teste le mouvement, si ça fait mal tu fais autre chose.

Toujours pas question de sauter. Ramer est encore douloureux pendant quelques jours…Les air squats passent, grâce aux inserts Hyperlift qui compensent ma perte de mobilité. Des inserts qui, aujourd’hui, ont été remisés dans un coin, histoire de ne pas trop s’y habituer et surtout, parce que, avec des séances supplémentaires de kiné, ma mobilité est meilleure. Et non seulement, j’ai un kiné qui est une rockstar, mais tous les soirs, je masse la plante de mes pieds avec le mini-rouleau Blackroll, histoire d’avoir un meilleur ancrage. Je travaille également pas mal ma proprioception grâce au yoga et ma mobilité avec l’appli GOWOD.

Deux mois après la blessure, j’ai repris les DU et les box jumps. J’ai même affronté des rope climbs. Le seul mouvement que je n’ai pas encore tenté, c’est le run. Mais comme je n’ai jamais été Usain Bolt, je ne m’attends pas à des miracles.
J’ai encore quelques douleurs, surtout quand je suis fatiguée mais globalement, je peux woder normalement.
Finalement, au-delà de la douleur, qui passe assez vite, le plus difficile pour moi a été d’être patiente. A partir du moment où ma cheville ne ressemblait plus à un œuf Kinder, j’ai eu envie de woder normalement. Mais il faut du temps pour guérir. Et ça, c’est certainement le plus difficile à accepter. Il faut savoir s’écouter, écouter son corps, son ressenti. Etre bien entouré et se sentir compris quand la seule chose que tu as envie de faire c’est arracher les yeux des gens avec une fourchette, ça aide aussi. Avec les bons coachs, le bon kiné (et éventuellement un médecin qui ne prend pas le CrossFit®* pour un stage commando sur W9) et un entourage compréhensif (ou soudoyé grâce à des babas au limoncello), la guérison est moins pénible…et en philosophant, on se dit que c’est aussi l’occasion de bosser certaines faiblesses…
Attention les vélos : je vous raconte comment j’ai vécu « l’expérience »- si on peut appeler ça comme ça. Je ne suis pas médecin ou kiné et je ne regarde même pas Grey’s Anatomy. Aussi, j’ai probablement fait des conneries. Quand vous vous blessez, lisez mes débilités…mais dans la salle d’attente de quelqu’un qui a fait des études.
Je vous invite également à (re) découvrir l’article « Comment gérer une blessure » écrit avec l’équipe de KOSS, un cabinet de Kinésithérapie du sport, Ostéopathie et Personal Training, il est spécialisé en Traumatologie du sport et Orthopédie.
Crédit photo à la une : Rx’d