C’est parti pour notre nouvelle édition de « Librairie et Magnésie ». Aujourd’hui, l’ouvrage passé au crible par Jean-Eudes, notre expert en grammage papier et en anthologies de la Pléiade, n’est autre que celui de la Fittest on Earth 2015 et 2016, Katrin Davidsdottir. Sorti en août 2019, le livre est surtitré « My Journey to Becoming a Two-Time CrossFit® Games Champion ». Il a été écrit en collaboration avec Rory McKernan, connu pour avoir commenté de nombreux events CrossFit® (notamment les Games), présenté l’Open et le CrossFit® Update Show. Bref, clairement, le garçon, que vous avez peut-être eu la chance de rencontrer lors de la dernière édition du CrossFit® French Throwdown, est un vétéran et une référence de la discipline. Bref, avec une championne et un Original Gangster, le livre est prévu pour envoyer du lourd.

Alors oui, j’entends déjà ceux qui séchaient les cours de Grand-Briton parce qu’ils étaient trop stone pour supporter le combo sandales-chaussettes de la prof d’anglais (assemblage visuellement détestable mais affreusement prémonitoire quant aux habitudes vestimentaires de certains joueurs de baballe et autres énergumènes qui ont décidé que la rébellion passait par leurs ieps) : « ouais, enfin bon, tu es bien gentille, Martine, mais le bouquin est en VO ». Bah fallait pas sécher les cours, bande de toxicos de bas étage ! Non, en fait, je ne vous juge pas. Moi aussi j’aurais préféré vaguement planer sur un banc en écoutant du Tryo sur mon baladeur CD (qui ne logeait dans aucune poche. Saloperie!) plutôt que de tenter l’implosion de la trompe d’Eustache et de la cochlée à force de l’entendre hurler des verbes irréguliers et de voir sa moustache s’animer sous ses froncements de lèvre supérieure en faisant le son « TH ». Bref, c’était moche. A tous les sens du terme. Et probablement plus difficile psychologiquement que n’importe quel Karen. Sauf qu’il fallait persévérer un petit peu. En tout cas, suffisamment pour regarder Netflix en VO et être en mesure de lire un peu en anglais. Ajoutons qu’une relative maîtrise de la langue de Shakespeare peut aider à acquérir plus rapidement le vocabulaire du CrossFit® et éventuellement à lire des bouquins qui ne seront probablement jamais traduits par des maisons d’édition françaises simplement parce que les sorciers, ça vend plus que les rois de l’overhead squat. Voilà, mon caca mou sponsorisé par Harrap’s se termine ici.

Donc l’animal speaks English. What else? Comme dirait l’ami, le Docteur Doug Ross (référence inutile pour une majorité de millenials). Comme son nom l’indique, le livre raconte le parcours de Katrin Davidsdottir pour devenir deux fois de suite la Fittest on Earth. Et croyez-moi, ça n’a pas été un long fleuve tranquille, Marie-Thérèse. De son enfance, à sa découverte du CrossFit® en mode « c’est lundi c’est raviolis », à sa rencontre et sa relation pro avec Ben Bergeron, on découvre toutes les étapes qui lui ont été nécessaires pour se hisser sur la plus haute marche du podium en 2015 et en 2016. Le moins qu’on puisse dire, c’est que, premièrement, ça n’a pas été de tout repos. Deuxièmement, Ben Bergeron a un rôle central dans sa préparation physique et mentale. D’ailleurs, il signe même l’avant-propos du livre. Au final, c’est une vraie synergie qui existe entre le coach et son athlète. Les passages parmi les plus intéressants sont certainement ceux qui exposent leur façon de fonctionner, leurs rituels pendant les Games, leur compréhension mutuelle – qui parfois se passe de mots -, leur philosophie et leur éthique de travail.

Ceux durant lesquels Katrin Davidsdottir détaille ce qu’elle vit, physiquement et mentalement, pendant ses Regionals et surtout pendant les Games ont quelque chose de fascinant. Elle évoque également sa stratégie : imaginer qu’un WOD se passe mal et réagir. Mais aussi, toujours donner le meilleur d’elle-même, même si cela ne l’emmène pas toujours vers les cimes du classement.
Elle se livre vraiment, au-delà des idées préconçues qu’on pourrait se faire d’une championne. Oui, elle est badass, oui c’est une machine de guerre, mais pas seulement. C’est aussi une jeune femme pétrie de doutes, d’insécurités. Elle a suffisamment de force pour admettre qu’elle est vulnérable à certains moments et surtout, pour nous le livrer.

Au-delà de ces aspects hyper-intéressants, d’autres éléments ont rendu la lecture un peu fastidieuse. D’abord, j’ai trouvé les premiers chapitres un peu confus. On passe d’une époque à l’autre sans jamais voir le début d’une calandre de De Loreane. Un peu comme au réveil d’une sieste qui s’est prolongée, on finit par ne plus savoir à quelle époque on se trouve. Ensuite, le livre m’a semblé TRES personnel. Alors, certes, oui, c’est une biographie. Et si la dame ne parle pas d’elle, on peut demander le remboursement en tickets Leclerc. Mais là, elle reprend tout depuis le début et insiste pas mal sur son enfance, sa mère et surtout ses grands-parents. A titre de comparaison, le livre de Jason Khalipa, lui aussi basé sur sa vie perso et pro, était nettement plus « filtré ». En fait, chaque information personnelle servait à construire son argumentation, servir sa méthode de travail, … Dans le cas de Dottir, c’est vraiment très contextuel. Cela plaira beaucoup à celles et ceux qui ont envie de connaître la femme qui se cache derrière la championne. Reste que j’ai trouvé le fait qu’elle insiste beaucoup sur la disparition de sa grand-mère assez pesant (mais peut-être est-ce simplement parce que cela a une résonance qui m’est personnelle).

Bref, Dottir est autant une histoire de championne que de femme. Ce livre ne manquera pas de trouver un écho dans la vie de chacun, personnelle ou sportive, ainsi que de donner pas mal de pistes de réflexion concernant l’attitude à adopter face à l’adversité (et assurément, il vous donnera envie de (re) découvrir le livre de Ben Bergeron !)
N’hésitez pas à partager vos impressions si vous avez lu Dottir !
Katrin Davidsdottir, Dottir, St Martin’s Press, 17.99€ sur wodabox (-10% avec le code HATEWB10)
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